24 décembre - Allocation d’actifs
Les contours du monde à venir
Alors que les dépenses d’investissement dans l’IA s’intensifient, que la Chine accélère et que les opportunités s’élargissent à de nouvelles régions, comment les investisseurs doivent-ils aborder la construction de leur portefeuille pour 2026 ?
L’année 2025 a été contrastée : le contexte politique a été plus agité sous Trump 2.0 avec une volatilité accrue et, in fine, les marchés actions ont enregistré une performance solide. Les actions internationales affichent une progression de 18,3 % en dollars[1], portés par le boom de l’IA et un cycle de dépenses d’investissement qui continue de redéfinir la croissance mondiale. La question clé est désormais de savoir si les marchés peuvent prolonger cette dynamique en 2026, alors que les attentes se renforcent.
Un moteur de croissance résilient se met en place
Le moteur de ce cycle reste intact. L’explosion des dépenses d’investissement liées à l’IA repose sur des bilans solides et une rentabilité réelle, plutôt que sur l’endettement ou de simples narratifs. Les hyperscalers continuent d’augmenter leurs budgets d’investissement, et l’adoption de l’IA se traduit concrètement dans les bénéfices. Dans le même temps, la Chine accélère à une vitesse extraordinaire : modèles d’IA nationaux, expansion des semi-conducteurs et un vaste programme de développement des capacités de production électrique la rapprochent de l’autosuffisance énergétique. Si les États-Unis conservent leur leadership dans la conception de puces électroniques, la Chine contrôle l’essentiel des intrants physiques - des terres rares aux capacités de production - et n’affiche plus que moins d’un an de retard en matière de rythme d’investissement.
Ces dynamiques s’inscrivent dans un contexte macroéconomique globalement favorable. Les politiques budgétaires et monétaires sont alignées dans les grandes économies. Nous anticipons encore deux baisses de taux de la Fed, un assouplissement des conditions financières et une atténuation progressive de l’impact négatif des droits de douane. La masse monétaire mondiale repart à la hausse, ce qui constitue historiquement un bon indicateur avancé de l'activité manufacturière et de la performance des marchés actions. Les bénéfices devraient progressivement prendre le relais de la liquidité comme principal moteur de la performance, en particulier en Europe, où des effets de base plus favorables, le levier opérationnel et l’atténuation des vents contraires sur les changes soutiennent une croissance des bénéfices par actions proche de 10 % en 2026.
Actions : un univers d’opportunités qui s’élargit sur fond de dispersion croissante.
L’ensemble de ces éléments conforte notre position constructive sur les actions, pour lesquelles nous conservons une allocation géographique diversifiée. Pour la première fois depuis de nombreuses années, l’attrait des marchés actions mondiaux ne repose plus exclusivement sur l’exceptionnalisme américain - même si les États-Unis demeurent le leader incontesté de l’innovation technologique. La dispersion des valorisations entre régions et secteurs est très élevée, offrant un terrain propice à une allocation active. Certes, le marché américain se négocie avec une prime, mais celle-ci est justifiée par les bénéfices du secteur technologique. L’Europe offre des valorisations attractives et la perspective d’une reprise tirée par l’investissement. Le Japon reste pour nous une surpondération structurelle, soutenue par des réformes d’entreprise pérennes, une amélioration de la gouvernance, une hausse du ROE et une forte dynamique de rachats d’actions. Les marchés émergents, notamment en Asie, bénéficient de valorisations plus faibles, d’un dollar plus faible et de leur intégration dans la chaîne de valeur de l'IA.
Les marchés évoluent progressivement d’un environnement dominé par les facteurs macroéconomiques vers un cadre davantage microéconomique, où le positionnement sectoriel, l’exposition thématique et la sélection de titres prennent le pas sur les choix régionaux. Le super-cycle d’investissement lié à l’IA demeure notre thème central sur les actions, et il n’en est encore qu’à ses débuts. Les hyperscalers américains continuent d’accroître leurs budgets d’investissement, avec une croissance des capex supérieure à 25-30 % sur la période 2025-26[2]. Les valorisations sont élevées, mais ancrées dans la croissance des bénéfices plutôt que dans une expansion spéculative des multiples.
Nous associons cette exposition à la technologie chinoise, qui offre un point d’entrée moins cher et des progrès rapides dans les semi-conducteurs, les modèles d’IA et les infrastructures énergétiques. La Chine accuse environ 18 mois de retard sur les États-Unis, mais comble rapidement l’écart, ce qui en fait un élément de diversification précieux face à la concentration excessive sur les méga-capitalisations américaines. L’approche chinoise en matière d’IA se veut plus pragmatique, considérant l’IA non pas comme une fin en soi mais comme une technologie habilitante intégrée à une stratégie industrielle plus large – véhicules électriques, batteries, énergies propres, robotique et industrie de pointe – où la Chine démontre déjà un leadership mondial.
Un second thème clé est celui du goulot d’étranglement de l’électrification. La demande d’électricité liée à l’IA s’accélère fortement, tandis que les capacités de production et les réseaux peinent à suivre. Cela crée des opportunités de long terme dans les services aux collectivités, les infrastructures de réseau, le stockage et les métaux liés à l’électrification, comme le cuivre. L’électrification constitue à la fois une contrainte pour le cycle de l’IA et l’une de ses opportunités d’investissement de second ordre les plus intéressantes.
Des risques demeurent. Les progrès de l’IA pourraient à terme se heurter à des contraintes physiques, énergétiques ou liées aux données, faisant émerger le risque que les dépenses massives engagées aujourd’hui ne s’avèrent excessives. Si les perspectives haussières restent convaincantes, le scénario baissier impliquerait une déception et une volatilité accrue, plutôt qu’une poursuite linéaire des tendances récentes.
Aux côtés de la technologie, nous restons constructifs sur la santé et des biotechnologies, qui offrent une croissance idiosyncratique et une diversification bienvenue à un moment où une large partie du marché devient de plus en plus cyclique et dépendante de l’IA. Les pipelines d’innovation sont solides, les valorisations se sont normalisées et l’activité de fusions-acquisitions se redresse sous l’impulsion de grands groupes pharmaceutiques cherchant à renouveler leurs portefeuilles.
Dans un environnement de marché marqué par une dispersion croissante, nous sommes convaincus que l’exposition thématique et une sélection rigoureuse seront les principaux moteurs d’alpha.
Obligations : la sélectivité au cœur d’un cycle qui progresse en maturité
Taux et obligations souveraines : la duration comme assurance
Les marchés de taux mondiaux passent d’un assouplissement synchronisé à une normalisation plus différenciée. La Fed devrait se stabiliser autour de la neutralité, avec une légère repentification de la courbe à mesure que les taux courts reculent et que les primes de terme se reconstituent. La BCE devrait agir avec prudence, tandis que le Japon se normalisera. Dans ce contexte, nous utilisons la duration principalement comme instrument de couverture, en privilégiant la valeur relative et le positionnement sur la courbe plutôt qu’une exposition directionnelle à la duration.
Crédit : hausse de l’offre et sélectivité indispensable
Les marchés du crédit sont clairement en fin de cycle. L’augmentation des investissements technologiques, l’assouplissement des conditions financières et le redémarrage des fusions-acquisitions laissent présager une offre plus abondante et une dispersion accrue, avec un potentiel limité de resserrement supplémentaire des spreads. Si un élargissement marqué des spreads paraît peu probable, le couple risque/rendement devient désormais asymétrique, en particulier sur l’investment grade américain. Nous privilégions le crédit européen, dont les rendements couverts sont désormais compétitifs par rapport aux États-Unis et dont les fondamentaux s’améliorent, comme en témoigne le solde favorable des « rising stars » par rapport aux « fallen angels ».
Dette émergente : le portage soutenu par un dollar plus faible
La dette des marchés émergents conserve son attrait, même si les rendements devraient ralentir après la forte performance de 2025. Le repli du dollar, l’assouplissement des politiques monétaires des banques centrales des marchés émergents et un portage toujours attractif continuent de soutenir la classe d’actifs. Nous conservons une opinion positive sur la dette émergente, notamment en devises locales, où valorisations et revenus continuent de compenser le risque dans un environnement de fin de cycle.
Devises : dollar en baisse, l’Asie au premier plan
Nous sommes globalement négatifs sur le dollar américain à moyen terme. Le resserrement des différentiels de taux plaide pour une normalisation de la paire EUR/USD dans une fourchette de 1,15-1,20. Après l’ajustement de l’euro, les devises asiatiques devraient être les moteurs de la phase suivante, dans un contexte où les pressions à la dépréciation persistent en raison de tensions commerciales et d’incertitudes politiques. Le cours de l’USD/JPY a déjà commencé à se découpler des fondamentaux. Dans l’ensemble, nous privilégions certaines devises asiatiques dans le cadre d'une tendance graduelle d'affaiblissement du dollar.
Matières premières : l’offre au cœur des enjeux
Nous restons constructifs sur l’or, soutenu par une forte demande physique, le retour des flux vers les ETF, les achats des banques centrales et l’attrait pour les actifs réels. Les phases de repli sont considérées comme des opportunités d'achat. L’argent conserve un potentiel haussier en raison de déficits persistants de l’offre et d’une flexibilité limitée de la production.
Sur les métaux de base, nous privilégions le cuivre et l’aluminium, où les contraintes structurelles de l’offre dominent. Les déficits d’offre se creusent sur le cuivre en raison de perturbations de la production et de distorsions de la demande liées aux droits de douane, tandis que l’offre d’aluminium est limitée par des contraintes énergétiques et de capacité. Les prix élevés augmentent le risque de destruction de la demande, en particulier en Chine, que nous surveillons attentivement.
Nous sommes plus négatifs sur le pétrole, dont le marché s'oriente vers un excédent largement anticipé. Le ralentissement de la croissance de la demande, la vigueur de l’offre hors OPEP et la hausse de la production de l’OPEP laissent présager un excès durable d’offre en 2026.
Conclusion : une confiance mesurée mais réelle
C’est ainsi que nous abordons 2026, alors que les forces qui ont façonné les marchés en 2025 restent à l’œuvre. Le cycle évolue, il ne s’achève pas : l’investissement dans l’IA, l’amélioration de la productivité et les politiques économiques favorables continuent d’offrir des fondations solides aux marchés mondiaux.
Notre approche consiste à rester investis, mais avec une plus grande sélectivité, en privilégiant les actions portées par des dynamiques structurelles claires, en faisant preuve de sélectivité sur le crédit à mesure que l’offre augmente, et en utilisant la duration, les devises et les actifs réels pour équilibrer les portefeuilles. A ce stade du cycle, les performances dépendront moins de l’orientation du marché que de la qualité des décisions prises au sein des portefeuilles.